On a coutume de dire de ce dernier qu’il découle de l’expérience, qui elle-même découle du mauvais jugement.
Après une analyse liquidative de Orchard Supply Hardware, il apparaissait clair que la société allait rencontrer un sérieux problème de liquidité à courte échéance. Elle aurait alors le choix entre la liquidation volontaire ou la vente à un repreneur intéressé par son empreinte géographique, comme Home Depot ou Loewe.
Si liquidation : l’action ordinaire ne pouvait valoir plus que zéro, mais il était prudent de compter sur un gain de $2 par action préférentielle — l’estimation conservatrice du prix de vente d’un parc immobilier de qualité.
Si acquisition : le gain était plutôt de $4 par action préférentielle — le repreneur assumait les dettes d’Orchard, et la vente du parc se faisait autrement que dans l’urgence.
Les deux classes d’actions de Orchard (ordinaire et préférentielle) cotaient quelques cents au-dessus de zéro. La situation semblait offrir une parfaite asymétrie du ratio risque/récompense. Mais les choses n’ont pas tourné comme prévu…
Que s’est-il passé ? La société a renoncé à se liquider, et le repreneur (Loewe) s’est montré plus vicieux qu’escompté : au lieu de récupérer l’ensemble d’Orchard (et de ses dettes), il a attendu la faillite pour finalement n’acquérir que les fonds de commerce à un prix dérisoire.
La pilule empoisonnée des actions préférentielles n’aura servi à rien : tous les actionnaires — peu importe leur séniorité — ont été floués. Notre analyse, rigoureuse en théorie, était fausse en pratique. Par chance, nous n’avions pas investi — mais nous étions près de le faire!
Moralité : si en théorie il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique, en pratique il y en a une.