En plein dans l’œil du cyclone durant la crise des subprimes, AIG est aujourd’hui l’entreprise la plus haïe aux Etats-Unis. 20% de rendement, maintenant ? Explications.
Désintérêt du Marché
Le marché s’en désintéresse prodigieusement : seulement cinq analystes couvrent l’action — pour une compagnie d’assurances avec une capitalisation de $44 milliards, on s’attendrait à un chiffre dix fois supérieur.
Post renflouement, le Trésor américain détenait la quasi-totalité des actions en circulation. Le voici à présent qui liquide progressivement sa participation : cette pression à la vente inquiète les investisseurs qui craignent la chute du cours.
Sous-évaluée par rapport à ses actifs tangibles (tous très liquides), avec un risque de banqueroute désormais écarté, AIG est l’exemple classique d’un conglomérat en restructuration, et une opportunité d’investissement unique.
Somme des Parties & Rendement
Rapide esquisse de valorisation par la somme des parties :
(1) Chartis (sinistres et dommages) : les tendances sont bonnes avec l’augmentation des prix. La capacité bénéficiaire est supérieure à $6 milliards/an. A un multiple de dix fois les bénéfices (typique pour une compagnie d’assurance), Chartis vaudrait à elle seule plus de $60 milliards — à comparer avec une capitalisation boursière de $44 milliards pour AIG.
(2) SunAmerica (vie) : le programme de réduction des coûts a permis d’économiser $700 millions. La capacité bénéficiaire est supérieure à $2,5 milliards. A un multiple de dix, SunAmerica vaudrait $25 milliards.
(3) IFLC (crédit-bail d’avions) : a perdu près de $5,7 milliards suite à une dépense exceptionnelle pour la mise à niveau de sa flotte. La nouvelle direction d’AIG souhaite se débarrasser de cette activité sans lien avec les métiers historiques du groupe via une introduction en bourse, pour un prix attendu entre $8 et $10 milliards.
(4) Participation de 30% dans AIA (vie) : assureur leader en Asie, basé à Hong Kong. Au prix du marché, la participation vaut $11 milliards.
(5) UGC Corporation (assureur de prêts immobiliers) : l’activité ne semble pas consommer d’argent, ni en rapporter. Nous comptons sa valeur pour zéro car nous ne savons pas l’estimer — bien qu’avec $4 milliards d’actifs (essentiellement des bons du trésor américain) pour $2 milliards de dettes, elle puisse bien valoir au moins $2 milliards…
Première (grossière) estimation de la valeur d’AIG: $60 milliards + $25 milliards + $8 milliards +$11 milliards = $104 milliards, soit un prix de $54 par action, à comparer avec une capitalisation boursière de $44 milliards (soit $23 par action).
Inutile de demander son poids à un homme pour savoir s’il est obèse : l’évidence crève les yeux.
Un Outsider aux Commandes
Le curriculum du nouveau CEO (Bob Benmosche, cf. notre article Un Temps pour Tout) est exceptionnel. Sous sa direction, Metlife est devenu le numéro un de l’assurance-vie aux Etats-Unis.
L’intéressé ambitionne une rentabilité des capitaux propres (ROE) de 15% sur les exercices à venir — soit, sur dix ans, entre $4 et $9 de profit par action chaque année. Un rendement locatif sympathique si l’on paie moins de $25 par action !
A cette fin, AIG fait tout pour augmenter sa profitabilité, notamment via la hausse des tarifs de Chartis, et le déploiement d’un agressif programme de réduction des coûts.
AIG côte par ailleurs très en-dessous de sa valeur comptable ($45 par action). On ne compte pas le prix de l’image de marque, ni des bases de clients de Chartis et de SunAmerica (toutes deux uniques au monde).
Si la société redevient profitable, on peut raisonnablement escompter une prime d’environ cinq fois et demi le bénéfice moyen sur cette valeur comptable, soit entre $20 et $45 de plus. Le prix de l’action serait alors entre $65 à $90, au moins trois fois le cours actuel.
Nous comptons pour zéro les crédits d’impôts (il y en a pour $6 par action) et les recettes futures sur les ventes Maiden Lane. Noter que toutes nos estimations de bénéfices se font dans un environnement économique tendu, où les taux sont au plancher et le comportement des marchés de capitaux défavorable à AIG .
Bilan Forteresse
Le bilan est une forteresse : les investissements (la majeure partie sont des bons du Trésor parfaitement liquides) et les actifs présents dans des comptes séparés suffisent à eux seuls à solder toutes les dettes d’AIG.
Avec l’attention toute particulière que le gouvernement américain porte au mastodonte de l’assurance, nous ne concevons pas que le livre comptable soit inexact.
AIG a déjà intégralement repayé la Réserve Fédérale. Les insiders mettent la main à la poche et un vaste programme de rachat d’actions massif est en cours. Le pitch est trop parfait : 20% de rendement, maintenant !
A date de parution, plusieurs des auteurs de l’Investisseur Français sont (heureux) actionnaires d’AIG.