C’est bien connu : la nature d’une évidence est souvent de passer superbement inaperçue. Si la croyance populaire n’en démord pas, la réalité est qu’on supporte avec un investissement immobilier un risque supérieur qu’avec un investissement mobilier (actions ou obligations).
Concentration Extrême
Question : n’est-il pas follement téméraire de concentrer à l’extrême et d’investir tout son patrimoine (correction: on s’endette à hauteur de cinq ou six fois ce dernier) afin d’acquérir un seul et unique actif ?
Soyez concentré sur deux ou trois actions et on vous traite de fou; soyez-le sur un bien immobilier — avec en plus de la dette sur le dos — et tout le monde applaudit. Cocasse !
Pourtant, (1) le risque de liquidité est extrême, (2) la rentabilité après-taxes souvent inférieure à celle du taux sans risque, (3) l’option de croissance est absente et (4) pour l’investisseur qui supporte un tel levier, le droit à l’erreur est nul.
Dans la pierre, il n’existe pas de décote sur actif — ou marge de sécurité, le saint-graal de l’investisseur prudent. La valeur intrinsèque d’un bien sera celle que veut bien lui attribuer le marché, un point c’est tout. La seule décote possible est sur les cash-flows actualisés que produira l’actif (cf. le rendement locatif). En bref, il est plus difficile d’y gagner de l’argent qu’avec les valeurs mobilières, où existent plusieurs façons d’acheter une décote : sur le patrimoine (valeur comptable ou valeur nette ajustée), sur les cash-flows actualisés ou sur la croissance.
L’investisseur prudent, puisqu’on parle de lui, sait toutefois faire fi du dogme. Il ne s’interdit pas d’investir dans un bien immobilier mais, si d’aventure il s’y risque, c’est pour exiger un rendement locatif d’au moins 20 ou 25% — similaire en pratique à ce qu’il peut trouver avec ses actions.
Arbitrage Irrationnel
Par exemple, en plus d’une substantielle décote sur l’actif net, l’investissement parfait produisait à notre achat un rendement locatif de 100%, Conduril de 50%, Bank of America de 40%.
Mirobolant ? Non ! Qui cherche trouve.
Dans le contexte actuel, en Europe, hors situations exceptionnelles, de tels rendements en immobilier n’existent pas — mais on les dénichait ailleurs il y a encore peu de temps, par exemple aux Etats-Unis en 2011. En France, une solution serait d’attendre que les foncières cotent à un tiers de leur prix actuel. Ceux qui jugent l’affaire impossible ont la mémoire courte…
En l’état, quelle logique y a-t-il à acquérir un bien immobilier? Les frais d’entrée sont délirants, la liquidité suspecte, les droits du propriétaire foulés au pied et les rendements oscillent entre 2 a 4% net — soit moins qu’une assurance-vie.
Prendre plus de risque pour gagner moins que le taux sans risque… L’arbitrage est irrationnel !
Classes d’Actifs Délaissées
Venons-en au fait : on gagne de l’argent avec l’immobilier exactement comme avec les actions, en recherchant l’opportunité parmi les classes d’actifs délaissées — idéalement méprisées — par le marché, et en exigeant une substantielle marge de sécurité. Plus que d’intelligence, le métier requiert surtout bon sens, discipline et patience.
Ainsi, on demandera pour la pierre un rendement au moins égal ou supérieur aux actions, a fortiori pour justifier les frais d’entrée de 10%. A défaut, on se tournera vers les placements alternatifs : certaines obligations paient des coupons de 20%/an — comme les senior 2015 de JCPenney — soit un rendement post-taxes quatre à six fois supérieur à celui de l’immobilier parisien.
Actions et obligations peuvent apparaître complexes, et une légende noire les accompagne — comme si (sourire) la spéculation épargnait le marché de l’immobilier. Mais un investisseur particulier a-t-il vraiment raison de se sentir plus à l’aise avec la pierre qu’avec une valeur mobilière ?
Les compétences analytiques requises pour cette première activité n’ont rien à envier à celles des investisseurs qui opèrent sur les marchés de capitaux : quitte à concentrer son capital à hauteur de 5 ou 600%, autant être fin financier et parfaitement sûr de son coup !
Qu’en conclure? Quelques salutaires rappels : (1) la croyance populaire est souvent piètre conseillère; (2) peu importe la classe d’actifs, le risque est toujours le même : surpayer son investissement; (3) les principes fondamentaux de l’investissement intelligent sont partout les mêmes : être sélectif, contrarien, rationnel et radin; (4) peu importe la classe d’actifs, les opportunités de qualité ne peuvent être saisies que par les investisseurs formés et entreprenants.