Du Bon Jugement : Leçons Apprises

Depuis 2014, nous étions investis dans Sears Holdings parce que nous avions estimé que sa valeur d’actif nette était supérieure à 10 milliards de dollars alors que l’entreprise cotait à seulement 1 milliards de dollars.

Nous estimions avoir une forte marge de sécurité, et que celle-ci nous protégerait. A tort.

L’entreprise a brûlé bien plus de 10 milliards de cash sur la période, et notre investissement ainsi qu’une partie significative de notre patrimoine se sont évaporés.

Pire, nous avons renforcé (avec joie et stupidité avons-nous appris ensuite) au fur et à mesure que le cours de bourse a baissé, pensant que notre marge de sécurité augmentait (pensions-nous).

Résultat : nous avons plombé notre rendement en bourse ces 4 dernières années.

Qu’en reste-t-il ? L’expérience (et tout de même un certain rendement).

Allons-nous arrêter l’investissement parce que nous nous sommes gravement trompés ?

Nous nous sommes sérieusement posés la question ces deux dernières années. Notre réponse est non.

Pourquoi ?

Nous sommes déterminés à arriver à une certaine destination. Nous nous sommes trompés de chemin et nous nous sommes égarés en route.

Est-ce que cela justifie de renoncer à notre destination ? Non, nous emprunterons seulement un autre chemin. Celui-là devra nous rapprocher de notre but.

On peut même tourner cette expérience positivement : nous avons trouvé un chemin qui ne menait pas à notre destination, et nous allons en changer. Le prochain que nous emprunterons nous offrira plus de chances d’y arriver si nous avons bien appris.

Leçons apprises de notre parcours

Voici la synthèse de ce que nous avons retiré de nos expériences (bonnes comme mauvaises) à ce jour.

I – A long terme, le succès d’un business ne peut résulter que d’un « bon » emploi de ses capitaux. Les échecs résultent forcément d’un « mauvais » emploi des capitaux.

II – A long terme, le rendement d’un investissement gravite autour des retours du business sur l’emploi de ses capitaux. Ce retour sera augmenté ou diminué selon le prix payé au départ (surtout au cours des première années de détention), mais le rendement du business sera toujours le « centre de gravité ».

III – Un investissement dans un business qui n’a pas un « bon » retour sur ses capitaux investis peut donner un rendement très attractif lorsqu’un business cote très en-dessous de la valeur de ses actifs, mais seulement à court terme (2-3 ans par exemple). Garder un tel business à long terme fera redescendre le rendement de l’investissement à son centre de gravité (= le rendement du business), et donnera un résultat médiocre. Un investisseur qui s’engage sur ce type d’opportunités doit savoir vendre assez rapidement, parfois prématurément, dès lors que le cours de bourse progresse s’il veut espérer maintenir de bons rendements à long terme.

Corollaires de ces observations

I – Il est important, pour chaque investissement de long terme, que nous soyons très clairs sur notre hypothèse sur le retour sur capitaux employés du business sur cet horizon.

II – Chaque investissement dans un business qui décote sur ses actifs comporte une part spéculative conséquente si rien ne permet d’anticiper avec confiance un retour sur capitaux investis au moins décent à long terme.

III – Un investissement qui comporte la part spéculative mentionnée ci-dessus doit être strictement limité sur une durée bien définie (2-3 ans par exemple) et idéalement comporter des catalyseurs susceptibles de se manifester bien avant.

IV – Dans tous les cas de figure, un tel investissement doit être diversifié (par d’autres investissements similaires ou d’autres investissement, peu importe).

V – Il est imprudent d’investir à long terme dans les business où l’on n’a aucune idée du possible retour sur capitaux employés à long terme.

VI – Il semble raisonnable de pondérer ses investissements selon le degré de confiance dans la capacité du business à atteindre l’hypothèse de retour sur ses capitaux employés.

VII – Pour bien dormir à long terme et éviter une suractivité, il semble utile de privilégier autant que possible les business susceptibles d’avoir de bons retours sur capitaux employés à long terme. Cela permet de bien dormir dans les cas extrêmes (crise financière, bourse fermée X années, …).

VIII – Investir dans des businesses à retours sur capitaux employés « bons » et relativement prévisibles sur une longue période semble être une bonne manière de ne pas perdre d’argent à long terme.

IX – Pour surpondérer un investissement, il faut être vraiment sûr de la capacité du business à générer de bons retours sur ses capitaux.

X – Le manque de confiance sur l’hypothèse de retour sur capitaux investis d’un business à l’avenir doit être compensé par une diversification adéquate.

Approches d’investissement intelligent possibles

Sur la base de ces réflexions, on peut se dire que, pour générer de bons retours avec une prise de risque raisonnable, nous avons le choix entre 3 démarches :

A – Une hyper-concentration dans des business qui ont et sont susceptibles de maintenir de hauts retours sur leurs capitaux investis.

B – Un portefeuille diversifié d’entreprises qui allouent leur capital mieux que la moyenne. Idéalement, on les paierait au prix d’un business moyen voire médiocre (le meilleur des cas).

C – Un portefeuille diversifié et spéculatif d’entreprises qui cotent très en-dessous de la valeur de leurs actifs, que l’on tourne régulièrement (max 3 ans).

La première démarche correspond au portefeuille concentré de l’IF.

La troisième est la méthode des net-nets popularisée par Benjamin Graham et bien connue des investisseurs chevronnés.

L’idée de nos portefeuilles diversifiés US et PEA

En revanche, la seconde méthode, dont l’idée est proche de la « formule magique » de Greenblatt, n’a pas été convenablement testée à notre sens. En effet, la « formule magique » ne regarde pas l’allocation du capital à long terme et la valorisation est estimée en multiples de cash-flows.

Nous avons décidé de tester une variante qui considère réellement l’allocation de capital historique des businesses cotés, qui retient ceux qui sont supérieurs à la moyenne sur cet aspect (soit du fait de l’allocation de capital elle-même par le management, soit du fait que le business en lui-même délivre de bons retours indépendamment de l’allocation : nous ne discriminons pas entre les deux aspects), et dont la valorisation des actifs est inférieure à la moyenne des businesses cotés.

Il en résulte une sorte d’indice value + allocation de capital supérieure à la moyenne. Nous retenons 30 entreprises convenablement capitalisées sur les zones US et Europe.

Ces portefeuilles sont accessibles aux abonnés de l’Investisseur Français, et leur performance depuis le 1er septembre 2019 est prometteuse (supérieure à 11% pour le portefeuille d’entreprises US et quasiment 10% pour le portefeuille d’entreprises européennes) .

6 Commentaires
  1. Franck 4 ans Il y a

    Pour les Pépites PEA, ce serait sympathique d’éviter la confusion avec les daubasses ! Merci (cf. mail envoyé hier à ce sujet).

    • Auteur

      Cher Franck,

      Avec tout notre respect, aucune des personnes travaillant à l’Investisseur Français ne regarde votre site depuis 5 ans au moins (ce qui n’est en rien un manque de respect, nous avions simplement des sujets urgents à traiter).

      Nous sommes certains que vous avez et aurez le succès que vous méritez.

      Soyez assuré que nous n’avons pas vocation à acheter des portefeuilles de votre site, ni d’étudier leur composition, ni de dire du mal de vous. Le mot pépite est particulièrement courant dans la presse financière française et il nous a semblé adapté pour qualifier nos listes diversifiées aujourd’hui.

  2. Louis Noe 4 ans Il y a

    Bonjour,
    Je vais vous étonner: je crois chers investisseurs que vous êtes trop intelligents, ou du moins que vous cherchez à être trop intellectualiser, je veux dire compliquer l’investissement boursier. Votre obstination, c’était aussi un pêché d’orgueil chez vous.
    Votre thèse sur Sears, je l’ai lue à l’époque, c’était plusieurs pages très bien argumentées qui reposaient sur une base fausse. Jamais les actifs ne valaient ce que vous supposiez. Le meilleur architecte ne peut bâtir une maison s’il ne sait pas reconnaître un sol sain d’un sol sableux. Vous avez oublié les bases: on n’investit que des affaires qui ont un historique impeccable et on diversifie sans se croire plus malin que les autres qui font le prix de l’action.
    Le plus grave, je ne sais pas si c’est votre entêtement ou le fait que vous ayez entraîné des gens à vous suivre jusqu’à la ruine car soyons sincères, si vous n’aviez pas fait de pub à cette société, quasiment aucun Français n’en aurait acheté.
    Inversement, avec du bon sens, on prenait un peu d’Air liquide, de Vinci, de Total et de l’Oréal par exemple ou encore d’Amazon ou d’Apple, si on veut chercher chez les Américains auraient été bien plus profitables à n’importe qui, mais il est vrai que pour acheter ces actions hyper-connues, voire à la mode, il n’est pas utile de souscrire un abonnement chez vous.

    • Auteur

      Cher camarade,
      Soyez assuré que plus aucune opinion ne nous étonne car l’expérience de vie de chacun est unique et nous avons tous des opinions sur toute chose et tout le monde ! C’est la réalité de notre monde et l’on peut par conséquent demander ce qu’elles valent.

      Nous nous sommes trompés sur Sears, et ceux qui nous ont suivi sur ce dossier ont perdu de l’argent, tout comme nous. Pour autant, l’entreprise a fait 12 milliards de pertes avant de se faire racheter à la barre de tribunal. Que valaient ses actifs au moment de notre analyse ? Chacun jugera de nos erreurs, mais il y a une certitude : ils valaient bien plus que 12 milliards.

      Pour le reste, nous avons par exemple investi dans Bank Of America, AIG et General Motors qui avaient tout sauf des historiques impeccables, et nous avons fait sur ces entreprises des retours bien supérieurs à ceux de toutes les sociétés que vous citez sur nos durées de détention.

      Quant à nos abonnés, oui, certains ont perdu de l’argent sur Sears et nous le déplorons. D’autres disent avoir atteint leurs objectifs financiers et nous remercient malgré ces erreurs. Le fait même que nous existons toujours alors que nous avons recruté 0 abonnés entre mi 2016 et fin 2019 en témoigne.

      Nous déplorons nos erreurs marketing : c’est la première fois que nous faisions un business avec du marketing et nous étions trop enthousiastes. D’un autre côté, si nous n’avions rien fait dans notre vie, nous n’aurions rien appris.

      Il y a des gens qui savent le faire mieux que nous et qui apprennent plus vite : si vous en faîtes partie, nous nous inclinons devant votre intelligence et sagesse.

      Il appartient à chacun de voir s’il lui est utile ou non de souscrire un abonnement : nous délivrons un service, il est clair, et chacun voit s’il lui apporte quelque chose.

      Nous vous vous remercions pour cette opportunité d’apprendre de vous qui nous permettra de progresser et vous souhaitons le meilleur pour la suite de votre vie et vos investissements.

      Bien à vous,
      L’équipe de l’Investisseur Français

  3. Louis Noe 4 ans Il y a

    Bonjour,
    Tout d’abord, je vous remercie pour votre réponse approfondie.
    Cette expérience n’a pas été inutile puisque vous avez été capable d’identifier vos erreurs et que désormais vous choisissez des dossiers de qualité. C’est effectivement le secret. Il vaut mieux surpayer une société de premier plan (sans dette, leader, historique sans faute…) que d’acheter le canard boiteux qui promet un gros dividende ou un retournement de situation.. Voyez Unibail.
    Sans aucun doute étiez-vous tout feu, tout flamme. De toute façon, il faut des années pour acquérir une démarche cohérente, tout en sachant que parfois, des amateurs peuvent faire aussi bien que des pros. C’est toute la magie de la bourse et peut-être le seul domaine, on voit cela. Un débutant peureux qui n’aurait acquis que des titres Air liquide depuis vingt ou trente ans n’aurait pas à rougir de son portefeuille. Pourtant, il irait contre le lieu commun de la diversification.
    Je vous rassure. Je n’ai pas appris plus vite que vous. J’ai débuté en bourse il y a… plus de 25 ans et je n’ai bien compris ce principe de la qualité qu’une dizaine d’années après. On commet tous des erreurs. L’important, c’est qu’elles ne coûtent pas trop cher. Dans votre cas, elle vous a empêché d’obtenir une performance excellente. Un capital multiplié par 2,5 en dix ans, c’est tout à fait satisfaisant mais ce n’est pas extraordinaire. Le minimum à mon sens est de le doubler sur une telle période. Car si on risque ses économies pour gagner moins de 5% par an, je crois qu’il faut mieux s’en tenir à des scpi, à moins d’y trouver un plaisir particulier. Cela arrive aussi.
    Je n’ai pas d’opinion sur les titres que vous citez. J’ai toutefois deux questions: les détenez-vous encore ? avez-vous l’intention de les garder “éternellement” selon le mot de Warren Buffett ?
    Bonne journée

    • Auteur

      Merci pour vos commentaires.
      Nous avons vendu les titres cités et nous ne nous prenons donc pas pour Warren Buffett.

      Bonne journée et bonne semaine.

      Bien à vous,
      L’équipe de l’Investisseur Français

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