Les prévisions en disent moins sur l’avenir que sur ceux qui les font. A l’aube d’une nouvelle année, une seule certitude prévaut : obtenir un rendement satisfaisant (toutes classes d’actifs confondues) promet d’être exceptionnellement difficile.
Actions
A l’exception de l’obligation (cependant convertible) Sears et de son coupon de 8%, nous sommes intégralement investis en actions. La correction sur laquelle tout le monde semblait vouloir miser en début d’année n’est pas survenue — hélas pour nous, car nous sommes avec nos actions comme avec nos chaussettes : nous aimons quand la marchandise de qualité est marquée en soldes.
Dans un tel contexte de taux, le marché actions apparaît correctement valorisé. Si ces premiers restent au plancher, alors il sera sous-valorisé; s’ils remontent de quelques points, légèrement survalorisé; s’ils remontent brusquement, en revanche, c’est un véritable bain de sang qui s’annonce. Arbitrage 101 : quand le taux sans risque paie 10% par an, un rendement de 4 ou 5% sur des actifs risqués ne présente plus aucun intérêt.
Sans parier sur un si violent retournement de situation, nous avouons sans peine ne pas être à l’aise avec les présents niveaux de valorisation des grosses capitalisations américaines et européennes (à l’exception peut-être d’IBM, pour ne citer qu’elle).
Plus sélectifs que jamais, nous continuons de chasser l’opportunité individuelle — celle qui nous assure une préservation du capital et un rendement adéquat. Qui a dit qu’elle se faisait rare ? Gévelot cote sous son cash net et LoJack à moins de quatre fois ses profits normalisés.
Obligations
Pas d’obligations dans le portefeuille de l’IF — point de dogmatisme, au contraire, mais car qui dit taux bas dit obligations hors-de-prix.
De toutes les classes d’actifs, voici (et de loin!) la plus chère entre toutes. La dette corporate cote nettement au-dessus du pair, quand celle des Etats “sûrs” (notez les guillemets) rémunère un ou deux pour cent.
Même la France emprunte depuis dix jours à moins de un pour cent ! Mieux vaut en rire qu’en pleurer.
Question : quel entrepreneur sensé souhaiterait voir son capital travailler à long-terme à des taux quasi-nuls (a fortiori quand l’investissement parfait nous tend les bras) ? Avec l’éventuelle (et prochaine ?) remontée des taux ne manqueront pas de surgir diverses opportunités sur les marchés de crédits — l’inverse n’est pas vrai : les taux ne peuvent descendre plus bas que zéro, quand les obligations peuvent (virtuellement du moins) monter jusqu’à l’infini.
Attentistes, nous ne nous interdisons toutefois pas de capitaliser sur une situation de stress financier couverte par des actifs tangibles de grande qualité (c’est à dire monétisables et demandés). Sinon, nous sommes toujours aussi friands des obligations d’Etats qui font défaut — mais post-cataclysme, comme par exemple en 2011 les bons du trésor de l’Etat grec, qui payaient 25% d’intérêt et cotaient au quart du pair.
Pétrole
Éternelle leçon des marchés financiers — quand tout le monde s’attend à la même chose, c’est précisément l’inverse qui survient.
Et justement, “tout le monde” était haussier sur le pétrole depuis dix ans, mais le positionnement s’est avéré dramatiquement faux deux fois en six ans (2008 et 2014). Le grand thème du “peak oil” — séduisant au premier abord, comme l’était le tant promis effondrement du dollar à force de “quantitative easings” menés par la FED — ignore des dynamiques en réalité beaucoup plus complexes et nuancées.
Le prix du baril peut certes augmenter dans le temps (ne serait-ce que pour suivre l’inflation), mais pas à des multiples éternellement décorrélés du coût de production, ou de la croissance mondiale.
Si nous n’avons aucune opinion quant à l’évolution de cette dernière (du moins à court-terme), nous avons en revanche une idée nettement plus arrêtée du coût de production du baril : entre $50 et $60 pour Exxon (plus de $100 pour Total), environ $50 pour les meilleurs producteurs de schiste aux Etats-Unis (une alternative parfois plus économique que le forage), et moins de $20 pour les pays du Golfe.
Attention, nous autres à l’IF additionnons le coût d’extraction et le coût d’ajout des réserves pour calculer le coût total de production — car tout gisement est un jour amené à s’épuiser; ce serait tellement commode autrement !
Encore une fois, la dynamique est complexe et il est difficile pour des dilettantes de notre genre de se positionner. Disons que si le pétrole cotait depuis plusieurs années sous son coût de production, nous serions plus enclin à miser sur une rationalisation de l’industrie (qui dit production à perte dit défaut des producteurs les plus exposés, donc une baisse de l’offre, donc une hausse de prix à demande constante ou en croissance).
Attention bis, la demande peut elle aussi se contracter si des alternatives valables apparaissent.
Minerais
On retrouve avec l’or la même logique infaillible qu’avec le pétrole. Comme ce dernier ne pouvait que monter parce qu’il se raréfiait, l’or ne pouvait que monter parce que la FED ne cessait “d’imprimer des dollars”. En guise de quoi le dollar n’a fait que s’apprécier, et le prix de l’or que baisser.
Les prix de nombreux autres minerais (fer, cuivre, etc.) ont également baissé, soit un coup d’arrêt sec à la grande tendance des années 2000 (“tirée par la croissance des émergents, le prix des matières premières ne peut que monter”, etc.) Belles histoires et investissement font rarement bon ménage. Ici, la leçon est que ni l’offre ni la demande n’accélèrent jamais linéairement.
Si on peut plus ou moins prévoir la première (les managements annoncent les volumes de production en amont), la seconde reste elle parfaitement imprévisible.
Nous pensons que la spéculation sur les matières premières est une affaire de gens supérieurement informés, et surtout très intelligents — comme nous ne sommes ni l’un ni l’autre, nous nous en désintéressons, à moins bien sûr d’une situation exceptionnelle comme ce que nous observons ces temps-ci dans l’industrie du gaz naturel aux Etats-Unis.
Pays Émergents
On assiste une nouvelle fois à l’effondrement du mythe (décidément, le contrarianisme paie). L’appréciation du dollar entraîne une explosion de l’inflation dans les économies dites “émergentes” qui ne peuvent compenser par des exportations massives.
Le choc est particulièrement violent en Russie, déjà sujette aux sanctions économiques et à la chute du prix du baril. Au Brésil, en Turquie, en Afrique du Sud et en Indonésie couvent d’inévitables cataclysmes : la croissance y ralentit sans que ne s’inverse la courbe de l’endettement privé, qui y atteint déjà des montants délirants.
Euro
Une remontée des taux parait improbable, du moins tant que les Etats en difficulté n’ont pas achevé de restructurer leur budget (une charge d’intérêts supplémentaires placerait ces derniers en situation critique.)
Nécessité fait loi : la BCE temporise pendant que les dirigeants politiques procèdent aux nécessaires ajustements (on ne rit pas).
Immobilier
Nos opinions n’ont guère évolué.