Starz est un spin-off de Liberty Media, le conglomérat du légendaire “Cable Cowboy” — John Malone, le CEO qui compose le capital de ses actionnaires (il est le premier d’entre eux) à plus de 30% par an depuis 1973.
Starz commercialise des packs de chaînes vidéos payantes aux Etats-Unis. Elles sont accessibles avec ou sans supplément chez tous les opérateurs cable, satellite et télécom. A propos d’opérateurs : Dish compte 12 millions d’abonnés, DirecTV 15 millions, Comcast 25 millions, Netflix 30 millions.
Starz en compte plus de 56 millions.
Les droits de diffusion sont le principal poste de coûts de Starz qui, à l’inverse de ses clients opérateurs, n’a pas à financer le réseau de distribution. A Starz le contenu (immatériel), aux opérateurs l’infrastructure (fort onéreuse) !
Starz acquière les droits de diffusion et perçoit une commission par abonné — typiquement un pourcentage de l’abonnement, ou un montant forfaitaire mensuellement versé par les opérateurs. Les contrats avec ces derniers courent typiquement sur dix ans : l’activité est prévisible, les profits récurrents.
La base d’abonnés de Starz par chaîne (la variable clé) est plus importante que chez n’importe quel autre opérateur. L’entreprise est ainsi capable de payer des droits de diffusion plus élevés, car elle mutualise les coûts sur tous ses abonnés. Ces économies d’échelle sont l’avantage concurrentiel sur lequel repose la force du modèle : elles permettent à Starz de s’assurer une quasi exclusivité dans ses relations avec les studios.
Si Starz sortie de Liberty, c’est officiellement pour lui permettre de “davantage se concentrer sur son activité et ses clients”. Officieusement, il s’agit plutôt pour Liberty d’encaisser $1,8 milliards cash – – aussitôt utilisés par Malone pour acquérir Sirius XM.
La dette subitement greffée au bilan de Starz est certes intimidante — les capitaux propres ne représentent plus qu’un dixième du passif — mais c’est sans compter sur la monstrueuse génération de cash de l’activité : au rythme actuel (sans croissance), quatre années de free cash-flow suffisent à rembourser intégralement la dette.
L’entreprise a toutefois intérêt à conserver une partie de son levier, puisque les charges d’intérêts sont aérées, flexibles, et ne représentent qu’un huitième du free cash-flow annuel — l’asphyxie n’est pas pour demain. Accessoirement, une dépense d’intérêts est déductible des taxes.
Les familiers de Malone reconnaissent ici l’habituelle intelligence financière du cable cow-boy : avec Malone, on ne paie pas de taxes — et cela dure depuis trente ans.
Starz produit $300 millions de free cash-flow chaque année. Un profit si prévisible commande un multiple “standard” de quinze fois les profits — soit, pour la société, une valorisation équitable de $4.5 milliards. Déduisons la dette nette (un milliard), et voici la valeur équitable de Starz fixée à environ $3.5 milliards.
Les deux principaux concurrents de Starz (TimeWarner/HBO et CBS/Showtime) s’échangent à un multiple de dix-huit fois leurs bénéfices comptables — même pas leurs profits cash, pourtant plus tangibles, et surtout moins truqués.
Au moment du spin-off, Starz capitalisait $1,7 milliard, soit une décote d’environ 50% sur la valeur intrinsèque estimée. Et aujourd’hui ? La société capitalise $2,75 milliards, soit une décote de 20% — pour les investisseurs attentifs de l’époque, une plus-value de 60% en seulement quatre mois.
Le CEO, Chris Albrecht, est un disciple de Malone, un collaborateur de longue date, et un allocateur de capital reconnu.
Un dernier signe qui ne trompe pas: à peine la cession consommée, Ted Weschler (Berkshire Hathaway), Mario Gabelli (Gamco), Joel Greenblatt (Gotham Capital), Jean-Marie Eveillard (First Eagle) et Tom Gayner (Markel) sont montés au capital — soit la “dream team” du value investing contemporain.
Les astres étaient trop parfaitement alignés : il s’agissait de ne pas laisser l’opportunité s’échapper — et l’un des auteurs de l’Investisseur Français ne s’y est pas trompé.
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