Comment Gérer (et Profiter) de la Volatilité ?

Ceci est un bref et incomplet résumé du chapitre huit de L’Investisseur Intelligent, le chef-d’oeuvre de Benjamin Graham déjà chroniqué par nos soins ici et .


L’investisseur sait que le prix des actions – même celles de la meilleure qualité – est inévitablement condamné à fluctuer en fonction des humeurs de la bourse.

Il comprend donc qu’il doit se positionner de sorte à profiter de ces fluctuations, plutôt que de les subir, et peut à cette fin adopter deux méthodes : le “timing” ou le “pricing”.

Prosaïque, le “timing” consiste à acheter l’action d’une entreprise lorsque l’on anticipe une remontée de son cours, et de vendre (sinon de s’empêcher d’acheter) lorsque l’on anticipe une baisse.

Tandis que, tout aussi benoîtement, le “pricing” consiste à acheter l’action d’une entreprise lorsqu’elle cote moins que sa valeur intrinsèque, et à vendre lorsqu’elle la dépasse.


Investissement vs. Spéculation

S’essayer au “timing” transformera naturellement l’investisseur à long terme (un capitaliste supposé rationnel et intéressé par l’acquisition d’actifs productifs) en spéculateur à court terme.

Certains professionnels de l’arbitrage peuvent obtenir de bons résultats avec cette méthode (Eddie Lampert passait pour le meilleur arbitragiste de Goldman Sachs, et les gains des “situations spéciales” ont significativement contribué à la surperformance de Warren Buffett) mais la virtuosité et l’accès à information nécessaires font défaut aux particuliers, ou aux financiers moins zélés.

Contraints de jouer à pile ou face, et de composer avec des frais de friction et des taxes prohibitives sur les gains à court terme, les adeptes du “timing” optent délibérément pour une formule qui retient toutes les probabilités contre eux.

Ainsi Benjamin Graham (il n’est pas le seul) recommande-t-il plutôt de s’essayer au “pricing”.

Ici, l’investisseur moyen (comme nous, et sans doute comme vous aussi) optimise ses chances d’obtenir des résultats satisfaisants à long-terme, en achetant ce qui décote et en vendant ce qui surcote, sans guère d’intérêt pour les mouvements du marché (sinon une satisfaction lorsqu’il dévisse, car les actions sont comme toutes les marchandises du monde : plus attractives quand leurs prix baissent).

Fut une époque où un courant de pensée dominant commandait d’acheter durant les marchés baissiers et de vendre durant les marchés haussiers, en se basant sur une valorisation des indices via le traditionnel ratio des price-to-earnings (un multiple des profits comptables).

Dans ce chapitre huit, si l’auteur concède que l’idée n’est pas fondamentalement mauvaise, il nous rappelle cependant que l’on ne sait jamais comment le marché se comportera à l’avenir.

En témoigne l’exemple des vingt ans de hausse ininterrompue du Dow Jones entre 1949 à 1969, qui mit cette théorie trop simpliste à rude épreuve puisqu’il n’y eut aucune correction sérieuse sur cette période.

Ne pas acheter d’actions pendant vingt ans aurait assurément été préjudiciable à l’enrichissement de n’importe quel investisseur, a fortiori dans un contexte bien plus inflationniste qu’aujourd’hui.

Moralité : il y a toujours des bonnes affaires, mais il s’agit d’être sélectif.


Mécanique et Rationnel

Un investisseur sérieux ne croit pas que les fluctuations à court terme du marché (disons quelques mois) l’aient rendu plus riche ou plus pauvre, car il est concentré sur les mérites (et les faiblesses) des actifs productifs qu’il possède (par exemple des participations au capital d’entreprises, i.e des actions), sur leur valeur intrinsèque et sur la croissance à long terme de ces dernières.

Toutefois, et c’est bien normal, il lui est difficile (même impossible) d’échapper aux habituelles montagnes russes émotionnelles induites par la volatilité : “formidable, je suis plus riche que je ne l’étais il y a une semaine”, “je m’en veux de ne pas en avoir acheté davantage lorsque ce n’était pas cher”, “je dois en acheter parce que la tendance de marché est haussière” ou son corollaire “vite, je dois tout liquider avant que le marché ne baisse davantage”, etc.

Pour combattre ces poussées de fièvres, Benjamin Graham recommande d’investir de manière mécanique dans des entreprises qui s’échangent en bourse à un prix sensiblement inférieur à la valeur nette de leurs actifs tangibles (actifs tangibles moins toutes les dettes), ou idéalement inférieur à la valeur nette de leur actifs courants (actifs courants moins toutes les dettes).

On peut aussi conjuguer cette approche avec d’autres critères, tels qu’un price-to-earnings raisonnable : on achète ainsi des décotes patrimoniales (des business à vendre pour moins que leurs capitaux propres) associées à des décotes sur capacité bénéficiaire.

Graham nous présente plus loin dans ce chapitre un exemple intéressant et formateur, celui de l’entreprise A&P (à l’époque la plus grande chaîne de magasins en Amérique du Nord). Introduite en bourse en 1929 (parlez d’un timing !),  le cours de son action atteint rapidement $494.

En 1933, le cataclysme que l’on sait est passé, et l’action A&P cotait $104. En 1938, $36. Les investisseurs même les plus patients jetaient l’éponge…

Pourtant, si en effet la capitalisation boursière de la compagnie n’était que de $126 millions, la valeur nette de ses actifs courants flirtait avec les $135 millions (dont $85 millions de cash, l’actif liquide et quantifiable par excellence).


Plus Cher Mort que Vivant

Présenté autrement, selon la bourse, ce business valait plus mort (c’est à dire liquidé) que vivant !

Pourquoi ce pessimisme extrême ? Un, parce qu’on craignait l’apparition de nouvelles taxes pour ce type d’entreprises; deux, parce que les bénéfices de A&P avaient diminué (crise historique oblige); trois, cerise sur le gâteau, parce que le marché était “baissier”.

La première inquiétude s’est rapidement révélée superficielle (beaucoup d’exagération pour finalement pas grand chose, mais les marchés financiers sont coutumiers du fait); quant aux deux autres, elles étaient conjoncturelles et temporaires.

Supposons qu’un investisseur ait acheté l’action A&P en 1937 à $80, soit un multiple de douze fois ses profits moyens sur cinq ans (une valorisation a priori raisonnable pour un business pérenne et bien géré).

Difficile d’imaginer qu’il ait bien vécu la chute du cours à $36 un an plus tard ! A vrai dire, tout le monde le traitait sans doute d’imbécile… (là, c’est nous qui sommes coutumiers du fait)

Si toutefois notre investisseur prenait la peine de minutieusement vérifier ses calculs, et de rester concentré sur les fondamentaux du business (sa valeur) plutôt que les fluctuations de son cours de bourse (le prix), il aurait aisément pu ignorer la volatilité et les on-dit.

You are neither right nor wrong because the crowd disagrees with you. You are right because your data and reasoning are right.

(Benjamin Graham)


D’un Pied sur l’Autre

Mieux encore, s’il avait les fonds nécessaire et le courage de ses convictions, il pouvait renforcer sa position à moindre coût (et ainsi profiter d’un prix qui baisse toujours plus absurdement).

Après tout, on aime deux fois plus la même marchandise à $40 qu’à $80, et l’occasion est rêvée d’en accumuler toujours davantage !

La suite de l’histoire, vous la connaissez sans même l’avoir lue. En 1939, l’action cotait $117. En 1961, $705, soit trente fois les bénéfices de l’entreprise en 1961.

Le marché dansait d’un pied sur l’autre : d’un pessimisme extrême, il était passé vingt plus tard à un optimisme extrême (et notre investisseur avait multiplié son capital par neuf).

Bien sûr, la morale de cette histoire ne dicte pas d’acheter toutes les actions dont le prix dévisse (ils dévissent souvent pour une bonne raison). Elle nous rappelle simplement qu’une méthode rationnelle qui s’appuie sur des faits tangibles plutôt que des intuitions profite à l’investisseur à long-terme, en premier chef parce qu’elle le protège de lui-même.

L’horizon du marché est court; il se trompe et réagit souvent absurdement. A l’investisseur intelligent d’en profiter !

Sauf s’il est endetté ou qu’il a investi de l’argent nécessaire au règlement de ses obligations courantes, tant que les fondamentaux ne le justifient pas, rien – sauf des émotions mal maîtrisées – ne le forcera jamais à vendre ses actions pour réaliser ses pertes.

P.S. : ce texte, comme tous nos contenus, n’est pas un conseil. C’est uniquement une opinion qui n’engage que son auteur, et rien de plus. Il est rappelé qu’investir en bourse comporte un risque de perte de capital.

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